Définir le voyage... Autant de définitions que de voyageurs.
Une que je retiendrais :
"C'est une page blanche où l'autre vient s'écrire"
Voyage
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vieux-new-one
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Re: Voyage
Nico, j'aime bien cette approche.
Petite tentative pour l'illustrer, extrait de mon journal de bord (juillet 2005)
Papeete, jeudi 16 heures, front de mer, violente chaleur, genre grosse lampe à souder juste un peu au dessus de la tête. J'attends le prochain bus pour Taravao prévu dans... un certain temps.
Une simple murette se propose comme repose fesses, plusieurs paires y ont déjà élu domicile. Je m'assoie à côté d'un polynésien, grand, puissant, massif. Dix secondes après, il sort une bouteille d'eau minérale toute givrée d'un sac plastique, me la tend et je devine plus que je comprends « Il faut boire ». Comme j'arrive en direct d'une terrasse de bistro, je le remercie très gentiment en lui expliquant que je viens juste de boire. Il se lance dans une assez grande tirade d'où je crois comprendre qu'il attend un copain qui doit passer le prendre en débauchant pour le ramener chez lui.
Les discussions avec les polynésiens sont souvent ésotériques, voire totalement incompréhensibles. Ils ont un accent incroyable, ne prononcent pas les lettres comme nous, manipulent le plus souvent un vocabulaire des plus basique pas forcément bien assimilé dans des significations « exotiques » pour eux, malmènent la syntaxe en y laissant fleurir sans arrêt celle de leur langue. D’habitude et le plus souvent ils parlent polynésien, quoi de plus normal ?
Si on aime la Polynésie et les Polynésiens, les conversations ont un charme ésotérique. Il est fréquent que je ne pipe rien. Par moment, ça décode soudainement pendant un instant, suffisamment pour espérer que, porté par le contexte, je vais pouvoir compenser ou combler les vides. Je m'accroche à l'idée générale comme un naufragé. Seulement voilà, passer d'une idée à une autre qui n'a rien à voir avec la première se trouve être redoutablement caractéristique des conversations à bâtons rompus, plaisirs dont les polynésiens usent sans retenue. Leur imagination y contribue plus que correctement.
J'avais bien saisi le coup du co-voiturage avec le copain. Je m'y accrochais de tous mes ongles pour ne pas perdre le fil de la suite où j'ai seulement capté le mot casquette, illustré d'une gestuelle faisant comprendre qu'il allait jeter celle qu'il tenait à la main.
Pourquoi ? Où ? Après une brasse coulée j'ai nettement compris qu'il fallait que le faapoeterangaroitee…boubiboulga… respire, mais que la tête doit aussi respirer. Qu'il fallait tremper la casquette dans l'eau avant de se la mettre sur la tête mais qu'en ville ce n'était pas possible et quand son copain arriverait il allait jeter la casquette à son copain par la fenêtre de la voiture. Une violente intuition est venue à mon secours : j’étais d’un coup certain que cette casquette appartenait à son copain et que ce dernier la lui avait prêtée. Il fût aussi question de quelque chose qui, avec cette chaleur, détériorait le dessous des voitures, lesquelles passaient à deux mètres cinquante de nos pieds, et qu'on en prenait plein la tête et, je ne serais pas absolument affirmatif, qu'il fallait se protéger, il a saisi ses cheveux et les a secoués. Puis brouillage général, puis belle auto, copain, gros rire, puis brouillage.
En secouant la casquette, il a conclu « La tête il faut que ça respire, c'est mieux quand c'est chaleureux ».
Mon bus est arrivé. On s'est tapé dans la main, puis avec le plat du poing fermé, comme deux vieux potes et il m'a dit :
« A demain ».
Cordialement
Yves
Petite tentative pour l'illustrer, extrait de mon journal de bord (juillet 2005)
Papeete, jeudi 16 heures, front de mer, violente chaleur, genre grosse lampe à souder juste un peu au dessus de la tête. J'attends le prochain bus pour Taravao prévu dans... un certain temps.
Une simple murette se propose comme repose fesses, plusieurs paires y ont déjà élu domicile. Je m'assoie à côté d'un polynésien, grand, puissant, massif. Dix secondes après, il sort une bouteille d'eau minérale toute givrée d'un sac plastique, me la tend et je devine plus que je comprends « Il faut boire ». Comme j'arrive en direct d'une terrasse de bistro, je le remercie très gentiment en lui expliquant que je viens juste de boire. Il se lance dans une assez grande tirade d'où je crois comprendre qu'il attend un copain qui doit passer le prendre en débauchant pour le ramener chez lui.
Les discussions avec les polynésiens sont souvent ésotériques, voire totalement incompréhensibles. Ils ont un accent incroyable, ne prononcent pas les lettres comme nous, manipulent le plus souvent un vocabulaire des plus basique pas forcément bien assimilé dans des significations « exotiques » pour eux, malmènent la syntaxe en y laissant fleurir sans arrêt celle de leur langue. D’habitude et le plus souvent ils parlent polynésien, quoi de plus normal ?
Si on aime la Polynésie et les Polynésiens, les conversations ont un charme ésotérique. Il est fréquent que je ne pipe rien. Par moment, ça décode soudainement pendant un instant, suffisamment pour espérer que, porté par le contexte, je vais pouvoir compenser ou combler les vides. Je m'accroche à l'idée générale comme un naufragé. Seulement voilà, passer d'une idée à une autre qui n'a rien à voir avec la première se trouve être redoutablement caractéristique des conversations à bâtons rompus, plaisirs dont les polynésiens usent sans retenue. Leur imagination y contribue plus que correctement.
J'avais bien saisi le coup du co-voiturage avec le copain. Je m'y accrochais de tous mes ongles pour ne pas perdre le fil de la suite où j'ai seulement capté le mot casquette, illustré d'une gestuelle faisant comprendre qu'il allait jeter celle qu'il tenait à la main.
Pourquoi ? Où ? Après une brasse coulée j'ai nettement compris qu'il fallait que le faapoeterangaroitee…boubiboulga… respire, mais que la tête doit aussi respirer. Qu'il fallait tremper la casquette dans l'eau avant de se la mettre sur la tête mais qu'en ville ce n'était pas possible et quand son copain arriverait il allait jeter la casquette à son copain par la fenêtre de la voiture. Une violente intuition est venue à mon secours : j’étais d’un coup certain que cette casquette appartenait à son copain et que ce dernier la lui avait prêtée. Il fût aussi question de quelque chose qui, avec cette chaleur, détériorait le dessous des voitures, lesquelles passaient à deux mètres cinquante de nos pieds, et qu'on en prenait plein la tête et, je ne serais pas absolument affirmatif, qu'il fallait se protéger, il a saisi ses cheveux et les a secoués. Puis brouillage général, puis belle auto, copain, gros rire, puis brouillage.
En secouant la casquette, il a conclu « La tête il faut que ça respire, c'est mieux quand c'est chaleureux ».
Mon bus est arrivé. On s'est tapé dans la main, puis avec le plat du poing fermé, comme deux vieux potes et il m'a dit :
« A demain ».
Cordialement
Yves
Si on ne fait rien, rien ne change !
Re: Voyage
Pour poursuivre cette discussion qui s'engage...
Je n'ai pas rouvert mes carnets de voyage, à part pour y retrouver une adresse. Je laisse décanter.
Et puis, on n'a plus facilement envie d'en parler, d'y revenir. Au contraire, aller de l'avant, bâtir de nouveaux projets.
Les moments partagés. Est-ce que cela peut se raconter...? ça se vit. (<-- un point)
Des deux dernières années, j'en garde de l'expérience. Un ami m'a dit, la différence entre savoir et connaître.
De réels souvenirs :
une poignée de myrtilles, un verre de vin, une gorgée de palinka, une poignée de main, spasiba kamarad
Je n'ai pas rouvert mes carnets de voyage, à part pour y retrouver une adresse. Je laisse décanter.
Et puis, on n'a plus facilement envie d'en parler, d'y revenir. Au contraire, aller de l'avant, bâtir de nouveaux projets.
Les moments partagés. Est-ce que cela peut se raconter...? ça se vit. (<-- un point)
Des deux dernières années, j'en garde de l'expérience. Un ami m'a dit, la différence entre savoir et connaître.
De réels souvenirs :
une poignée de myrtilles, un verre de vin, une gorgée de palinka, une poignée de main, spasiba kamarad